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| Chapitre 10. Théorie | |
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Mathilde Co-admin
Messages : 338 Date d'inscription : 20/02/2010 Age : 30 Localisation : Dans mes vision...
Dévoile-toi☻ ○Nom & Prénom○: Mary Alice Brandon Cullen ○Tes Relations○: Race: Vampire Végétarienne
| Sujet: Chapitre 10. Théorie Lun 1 Mar - 5:50 | |
| - Puis-je juste te demander une dernière chose ? entama-t-elle au lieu de répondre à ma demande.
J’étais tendu, anxieux d’entendre la suite. Et pourtant, combien il était tentant de prolonger ce moment. Avoir Bella avec moi, de son plein pour quelques secondes supplémentaires. Je soupirai devant le dilemme. - Juste une. - Eh bien... Elle hésita durant un court moment, comme si elle se demandait quelle question poser. - Tu as dit que tu savais que je n’étais pas rentrée dans la librairie, et que j’étais allée vers le sud. Je me demandais juste comment as-tu fait pour le savoir?
Je regardai à travers la fenêtre. Voilà une autre question qui ne révélait rien de ses suppositions, et beaucoup trop sur moi.
- Je pensais qu’on avait dépassé le stade où tu te défilais ? dit elle, la voix pleine de sarcasme et de déception. Quelle ironie. Elle-même se défilait sans même le savoir.
Eh bien, elle voulait que je sois direct. Et cette conversation ne menait à rien de toute façon. - Très bien, tu l’auras voulu, dis-je. Je t’ai flairée.
Je voulus regarder son visage, mais j’avais peur de ce que j’allais y voir. A la place, j’écoutai sa respiration s’accélérer puis se stabiliser. Elle parla de nouveau après un moment, et sa voix fut plus contrôlée que je ne l’aurais cru.
- Et puis, tu n’as pas répondu à l’une de mes premières questions... dit-elle. Je la regardai, fronçant les sourcils. Elle ne bougeait plus. - Laquelle ?
- Comment ça marche – pour lire dans les pensées ? demanda-t-elle, réitérant sa question du restaurant. Est-ce que tu peux lire les pensées de tout le monde, partout ? Comment fais-tu ? Est-ce que le reste de ta famille...? Elle enchaîna tout, rougissant de nouveau.
- Ça fait plus qu’une question, dis-je.
Elle me regarda, attendant ses réponses.
Pourquoi ne pas tout lui dire ? Après tout, elle avait deviné une grande partie, et c’était un sujet plus facile que celui qui allait suivre.
- Non, je suis le seul. Et je ne peux pas entendre tout le monde partout. Je dois être assez près. Plus la voix est... familière, plus je peux l'entendre de loin. Mais pas plus que quelques kilomètres. J’essayai de penser à un moyen de le décrire pour qu’elle puisse comprendre. Une analogie à laquelle elle pourrait s'accrocher. - C’est un peu comme être dans un grand hall rempli de gens qui parlent tous en même temps. C’est un brouhaha – des voix en arrière-plan. Il faut que je me concentre sur une voix, et ce que cette personne pense devient clair. La plupart du temps, j’éteins tout – c'est très perturbant sinon. Et puis c’est plus facile de me comporter normalement ainsi (Je grimaçai.) quand je réponds aux mots des gens plutôt qu'à leurs pensées.
- À ton avis, pourquoi ne peux-tu pas m’entendre ? demanda-t-elle.
J’allais lui dire la vérité grâce à une autre analogie.
- Je ne sais pas, admis-je. Ma seule supposition c’est que ton esprit ne fonctionne pas comme ceux des autres. Comme si tu était sur ondes courtes alors que je ne capte que les ondes longues. Je réalisai qu’elle n’aimerait pas cette analogie là. L'anticipation de sa réaction me fit sourire. Elle ne me déçut pas. - Mon esprit ne fonctionne pas correctement ? demanda-t-elle, la voix remplie de chagrin. Est-ce qu’il y a un problème avec moi ? Ah, encore l’ironie. - Je lis dans les pensées, et tu penses que tu as un problème. Je ris. Elle comprenait les moindres petits détails, et pourtant, les choses évidentes lui échappaient. Elle avait de mauvais instincts...
Bella mordillait ses lèvres, et le creux entre ses yeux se plissa. - Ne t’inquiète pas, la rassurai-je. C’est juste une théorie... Et il y avait une théorie bien plus importante dont nous devions discuter. J’étais anxieux d’en finir. Chaque seconde qui passait me semblait de plus en plus comme la dernière.
- Ce qui nous ramène à toi, dis-je, divisé en deux, anxieux et réticent.
Elle poussa un soupir, mordant toujours sa lèvre - je me demandai si allait se faire mal. Elle fixa mes yeux, le visage crispé.
- Est-ce que tu te défiles ? dis-je doucement.
Elle baissa le regard, luttant avec elle même. Soudainement, elle ouvrit grand les yeux. La peur s’inscrivit sur son visage pour la première fois. - Oh mon Dieu ! hurla-t-elle. Je paniquai. Qu’avait-elle vu ? Comment l’avais-je effrayée ? Puis elle lança - Ralentis ! - Qu’est ce qui ne va pas ? Je ne comprenais pas d’où venait sa terreur. - Tu roules à 160 kilomètres heure ! hurla-t-elle. Elle jeta un regard par la fenêtre, en direction des arbres sombres qui filaient sur le côté. C’était ça, un petit peu de vitesse qui l’avait terrorisée ? Je levai les yeux au ciel. - Relax, Bella. - Est-ce que tu essaies de nous tuer ? demanda-t-elle, sa voix haute et aiguë. - On ne va pas avoir d’accident, lui promis-je. Elle reprit sa respiration puis dit un peu plus fort. - Pourquoi vas-tu si vite ? - Je conduis toujours ainsi. Je rencontrai son regard, amusé par son expression choquée. - Garde tes yeux sur la route, me cria-t-elle. - Je n’ai jamais eu d’accidents, Bella. Je n’ai même jamais eu d’amendes. Je lui fis une grimace en me touchant le front. Cela fut encore plus drôle - l’absurdité de pouvoir lui faire une blague sur un sujet aussi secret et bizarre. - J’ai un détecteur de radar intégré. - Très drôle, dit-elle sur un ton sarcastique, sa voix plus effrayée qu'énervée. - Charlie est un flic, tu te souviens ? J’ai le code de la route dans le sang. Et puis, si tu écrasais ta petite Volvo contre un tronc d’arbre, tu t’en sortirais probablement indemne. - Probablement, répétai-je, riant sans humour. Oui, nous nous en sortirions différemment dans un accident de voiture. Elle avait raison d’avoir peur, malgré ma conduite... - Mais toi non. En soupirant, je réduisis la vitesse de la voiture. - Contente ? Ses yeux se fixèrent sur le compteur. - Presque. C’était encore trop rapide pour elle ? - Je déteste conduire lentement, murmurai-je, laissant l’aiguille s'abaisser un peu plus. - C’est lent pour toi, ça ? demanda-t-elle. - Assez de commentaires sur ma façon de conduire, dis-je impatiemment. Combien de fois avait-elle éludé ma question ? Trois ? Quatre ? Ses spéculations étaient-elles si horribles ? Je devais le savoir – immédiatement. - J’attends toujours ta dernière théorie. Elle mordilla ses lèvres une fois de plus, et son expression passa de l’embarras à la douleur. Je retins mon impatience, adoucissant ma voix. Je ne voulais pas qu’elle soit anxieuse. - Je ne rigolerai pas, promis-je, espérant que seul l'embarras l'empêchait de parler. - J'ai un peu peur que tu sois énervé après moi, murmura-t-elle. Je m'efforçai de garder une voix neutre. - Est-ce si horrible ? - Je crois que oui. Elle baissa le regard, refusant de rencontrer mes yeux ; les secondes défilaient. - Vas-y, l’encourageai-je. Sa voix était très basse. - Je ne sais pas par où commencer. - Pourquoi ne commences-tu pas par le début ? Je me souvins de ce qu’elle avait dit pendant le dîner. - Tu as dit que tu n’avais pas trouvé cette théorie seule. - C’est vrai, acquiesça-t-elle, puis le silence revint. Je pensai à ce qui avait pu l’inspirer. - Qu’est-ce qui t’as mise sur la voie – un livre ? Un film ? J’aurais dû fouiller dans ses collections lorsqu’elle n’était pas chez elle. Je ne savais pas si Bram Stoker ou Anne Rice en faisait partie... - Non, rajouta-t-elle. C’était samedi à la plage. Je ne m’attendais pas à ça. Les rumeurs locales qui nous concernaient n’avaient jamais rapporté de faits trop étranges – ou trop précis. Y avait-il une nouvelle rumeur que j’avais loupée ? Bella me regarda rapidement, découvrant la surprise sur mon visage. - Je suis tombée sur un vieil ami de la famille, Jacob Black, continua-t-elle. Son père et Charlie sont amis depuis que je suis bébé. Jacob Black – le nom ne m’était pas familier, et pourtant me rappelait quelque chose... il y a longtemps... Je regardai à travers la fenêtre, cherchant à travers mes souvenirs pour établir une connexion. - Son père est un des Anciens de la tribu Quileute, dit-elle. Jacob Black. Ephraïm Black. Sans doute un descendant. Ça n'aurait pas pu être pire. Elle connaissait la vérité. Mon esprit se perdit en suppositions tandis que la voiture se perdait dans les virages, mon corps crispé par l’angoisse – immobile, à part un léger mouvement pour conduire la voiture. Elle connaissait la vérité. Mais... elle l’avait apprise samedi... donc elle l’avait su toute la soirée... et pourtant... - Nous sommes partis nous balader, continua-t-elle. Et il me racontait de vieilles légendes, pour me faire peur, je suppose. Il m’en a raconté une sur... Elle s'arrêta, mais son hésitation ne servait à rien. Je savais ce qu’elle allait dire. Le seul mystère qui persistait était de savoir pourquoi elle restait avec moi maintenant. - Continue, lui dis-je. - Sur les vampires. Elle souffla ces mots dans un murmure. D’une certaine façon, c’était pire que de savoir qu’elle savait, l’entendre prononcer ce mot à voix haute. Je frémis à ce son, puis repris le contrôle. - Et tu as immédiatement pensé à moi ? lui demandai-je. - Non. Il a mentionné ta famille. Comme c’était ironique que la propre descendance d’Ephraïm viole le traité que lui-même avait instauré. Son petit-fils, ou arrière-petit-fils peut-être. Combien d’années avaient passé ? Soixante-dix ? J’aurais dû me rendre compte que ce ne serait pas les vieux hommes qui croyaient aux légendes qui poseraient un problème. Bien sûr, la jeune génération – ceux qui auraient été prévenus, mais qui riaient des anciennes superstitions – bien sûr c’est de là que viendrait le danger. Je supposais que cela signifiait que je pouvais désormais m’attaquer à la petite tribu sans défense. Ephraïm et sa troupe de protecteurs étaient tous morts… - Il a juste pensé que c’était une superstition débile, dit Bella, sa voix pleine d'anxiété. Il ne pensait pas que j’y croirais. Du coin de l’œil, je la voyais se tordre les mains. - C’était ma faute, en fait, dit-elle après une courte pause, baissant la tête comme sous le poids le la honte. Je l’ai forcé à me le dire. - Pourquoi ? Il m’était plus facile de contrôler ma voix maintenant. Le pire était derrière moi. Alors que nous parlions des détails de cette révélation, nous éludions les conséquences. - Lauren a dit quelque chose à propos de toi – elle essayait de me provoquer. Elle fit une grimace. J’étais un peu perturbé, me demandant comment Bella pouvait se sentir provoquée par quelqu’un qui parlait de moi... - Un garçon plus âgé de la tribu a dit que ta famille ne venait pas à la réserve, mais on aurait dit qu’il disait quelque chose d’autre. Donc j’ai isolé Jacob, et je l’ai piégé. Sa tête se baissa encore un peu plus en admettant cela. Son expression ressemblant à de la... culpabilité. Je tournai mon regard, puis ris à pleine voix. Elle se sentait coupable. Qu’avait-elle pu faire pour mériter ce sentiment ? - Tu l’as piégé comment ? demandai-je - J’ai essayé de le draguer – ça a marché, et bien mieux que je ne l'espérais, expliqua-t-elle, sa voix incrédule devant le succès. Je pouvais déjà imaginer – considérant l’attraction qu’elle déclenchait chez tous les hommes, complètement inconsciemment – combien elle devait être irrésistible quand elle essayait d'être attrayante. J'éprouvai soudain une vague de pitié pour ce jeune garçon, sur lequel elle avait lâché un tel potentiel. - J’aurais aimé voir ça, dis-je, en proie à l'humour noir. J’aurais aimé voir les réactions de ce jeune garçon, être témoin de cette déchéance. - Et tu m’accuses d’éblouir les gens – pauvre Jacob Black. Je n’étais pas énervé après lui, la source de mon exposition, comme je pensais l’être. Il ne savait pas. Et comment pouvais-je attendre de quelqu’un qu’il repousse cette fille? Non, j’avais juste de la sympathie pour tous les dégâts qu’elle avait dû occasionner à sa tranquillité d'esprit. Je sentis qu’elle rougissait, la chaleur émanait de ses joues. Je lui jetai un regard, elle regardait par la fenêtre. Elle ne parlait pas. - Qu’as tu fait après ? Il était temps de retourner à l’histoire d'horreur. - J’ai fait quelques recherches sur Internet. Toujours pratique. - Est-ce que ça t’a convaincue ? - Non, dit-elle. Rien ne correspond. Ce sont des bêtises pour la plupart. Et puis... Elle s'arrêta de nouveau, et j’entendis ses mâchoires se verrouiller. - Quoi ? demandai-je. Qu’avait-elle trouvé ? Est ce que ce cauchemar avait pris un sens pour elle ? Il y eut une courte pause, puis elle chuchota : - J’ai décidé que ça n’avait pas d’importance. Le choc gela mes pensées pendant une demi-seconde, puis je me ressaisis. Je vis clairement pourquoi elle avait quitté ses amies ce soir au lieu de s’échapper avec elles. Pourquoi elle était montée en voiture avec moi au lieu de partir en courant, appelant la police... Ses réactions étaient toujours mauvaises – totalement mauvaises. Elle attirait le danger. Elle l’invitait. - Pas d’importance ? fis-je les dents serrées, plein de rage. Comment pouvais-je protéger quelqu’un de si... si... si déterminé à ne pas l’être ? - Non, dit-elle d’une voix basse et inexplicablement tendre. Ça n’a pas d’importance pour moi. Elle était impossible. - Tu t’en fiches que je sois un monstre ? Que je ne sois pas humain ? - Oui. Je la regardai pour m’assurer qu’elle avait tous ses esprits. Je suppose que je pourrais m’arranger pour qu’elle ait les meilleurs traitements possibles... Carlisle avait des relations avec les meilleurs médecins, les psychiatres les plus talentueux. Peut être que quelque chose pouvait être fait pour réparer ce qui n‘allait pas chez elle, ce qui faisait qu’elle pouvait rester assise à côté d’un vampire, avec un rythme cardiaque stable. Je surveillerais l’institut, et lui rendrais visite aussi souvent que possible... - Tu es énervé. Je n’aurais rien dû dire. Comme si le fait qu’elle me cache ce genre de choses allait nous aider elle comme moi. - Non. Je préfère savoir ce que tu penses – même si c’est quelque chose de complètement fou. - Alors, j’ai encore tort ? demanda-t-elle, légèrement agressive. - Ce n’est pas ce que j’ai dit ! Mes dents s’entrechoquèrent. - Ça n’a pas d’importance ! répétai-je, blessé. Elle sursauta. - J’ai raison ? - Est-ce que c’est important ? contrai-je. Elle prit une grande inspiration. J’attendais sa réponse, énervé. - Pas vraiment, dit-elle, la voix calme une nouvelle fois. Mais je suis curieuse. Pas vraiment. Ça n’avait pas d’importance. Elle s’en moquait. Elle savait que j’étais inhumain, un monstre, et ça ne la dérangeait pas. Mis à part mes interrogations sur sa santé mentale, je commençais à me sentir plein d’espoir. J’essayai de ne pas y penser. - Curieuse de quoi ? demandai-je. Il n’y avait plus de secrets, juste quelques petits détails non dévoilés. - Quel âge as-tu ? demanda-t-elle. Ma réponse fusa automatiquement. - Dix-sept ans. - Depuis combien de temps as-tu dix sept ans ? J’essayai de ne pas rire à son ton sérieux. - Un bout de temps, admis-je. - D’accord, dit-elle, enthousiaste. Elle me sourit. Quand je la regardai, anxieux une nouvelle fois concernant son état mental, son sourire s'agrandit. Je grimaçai. - Ne ris pas, prévint-elle. Mais comment se fait-il que tu sortes en plein jour ? Je ris malgré sa requête. Ses recherches ne lui avaient rien appris d'inhabituel. - Mythe, lui assurai-je. - Le soleil vous réduit en cendre ? - Mythe. - Vous dormez dans des cercueils ? - Mythe. Dormir n’avait pas fait partie de ma vie depuis longtemps – jusqu’à ces dernières nuits, alors que je regardais Bella rêver... - Je ne dors pas, murmurai-je, répondant un peu plus à sa question. Elle resta silencieuse un moment. - Jamais ? demanda-t-elle - Jamais, soufflai-je. Je regardai ses yeux, si grands derrière ses cils, et priai pour pouvoir dormir. Pas pour oublier, pas pour échapper à l'ennui, mais parce que je voulais rêver. Peut-être, si je pouvais être inconscient, si je pouvais rêver, pourrais-je vivre quelques heures dans un monde ou elle et moi pouvions être ensemble. Elle rêvait de moi. Je voulais rêver d’elle. Elle me fixa à son tour, son expression pleine de questionnements. Je dus détourner le regard. Je ne pouvais pas rêver d’elle. Elle ne devait pas rêver de moi. - Tu ne m’as pas encore posé la question la plus importante, dis-je, mon cœur plus lourd et froid qu’avant. Je me devais de lui faire comprendre. Jusqu'à un certain point, elle devait se rendre compte de ce qu’elle faisait. Je me devais de lui faire comprendre que tout cela avait de l’importance – plus que tout le reste. Le reste comme le fait que je l’aimais. - Laquelle ? demanda-t-elle, surprise. Cela rendit ma voix plus dure encore. - Tu ne te demandes pas ce que je mange ? - Oh. Ça. Elle parla d’un ton calme que je ne pouvais pas interpréter. - Oui. Ça. Ne veux-tu pas savoir si je bois du sang ? Elle prit un peu de distance face à ma question. Enfin. Elle comprenait. - Eh bien, Jacob a dit quelque chose là dessus dit-elle. - Qu’a-t-il dit ? - Il a dit que vous ne... chassiez pas les gens. Il a dit que ta famille n’était pas supposée être dangereuse car vous chassiez seulement les animaux. - Il a dit que nous n’étions pas dangereux ? répétai-je cyniquement. - Pas exactement, clarifia-t-elle. Il a dit que vous n’étiez pas supposés être dangereux. Mais les Quileute ne vous veulent toujours pas sur leurs terres, juste au cas où. Je regardai la route, mes pensées désespérées, ma gorge luttant contre cette soif féroce. - Alors, il avait raison ? demanda-t-elle, aussi calmement que si je venais de lui confirmer des prévisions météorologiques. Sur le fait que vous ne chassiez pas les hommes ? - Les Quileute ont bonne mémoire. Elle acquiesça légèrement, perdue dans ses pensées. - Ne soit pas trop confiante cependant, dis-je rapidement. Ils ont raison de garder leurs distances avec nous. Nous sommes très dangereux. - Je ne comprends pas. Bien sûr qu'elle ne comprenait pas. Comment lui faire voir ? - Nous essayons, lui dis-je. Nous y arrivons la plupart du temps. Parfois nous faisons des erreurs. Moi, par exemple, en étant seul avec toi. Son parfum était toujours une entité à part entière dans la voiture. Je m’y habituais, je pouvais presque l’ignorer, mais je ne pouvais pas renier que mon corps était attiré par elle pour de mauvaises raisons. Ma bouche nageait dans le venin. - C’est une erreur ? demanda-t-elle, comme si elle avait le cœur brisé. Cela me désarma. Elle voulait être avec moi – malgré tout cela, elle le voulait. L'espoir revint de nouveau et me je m'obligeai à l'étouffer. - Une erreur très dangereuse, lui dis-je honnêtement, espérant que la vérité cesse d’être importante. Elle ne répondit pas pendant un moment. Je pouvais entendre sa respiration changer – dans une direction qui n’indiquait cependant pas la peur. - Dis m’en plus, dit-elle soudainement, sa voix tordue de douleur. Je l’examinai attentivement. Elle souffrait. Comment avais-je permis cela ? - Que veux-tu savoir de plus ? demandai-je, essayant de trouver un moyen pour ne pas qu’elle souffre. Elle ne devait pas souffrir. Je ne pouvais pas la laisser souffrir. - Dis-moi pourquoi vous chassez des animaux au lieu des hommes, dit-elle, toujours souffrante. N'était-ce pas évident ? Ou peut-être s’en moquait-elle aussi. - Je ne veux pas être un monstre, murmurai-je. - Mais les animaux ne te suffisent pas ? Je recherchai une autre comparaison, une manière de lui faire comprendre. - Je ne suis pas bien sûr, mais disons c’est comme vivre de tofu et de lait de soja pour toi ; nous nous considérons comme végétariens, une petite blague entre nous. Cela ne satisfait jamais complètement notre faim – ou plutôt notre soif. Mais cela nous donne assez de force pour résister. La plupart du temps. Ma voix s’abaissait ; j’avais honte du danger dans lequel je la mettais. Un danger que je continuai d’accepter... - Parfois, c’est plus difficile que d’autres. - Est-ce que c’est très difficile maintenant ? Bien sûr, elle posait la question à laquelle je n’avais pas envie de répondre. - Oui, admis-je. Cette fois la réaction que j'attendais fut la bonne : sa respiration resta régulière, son rythme cardiaque resta stable ; je me doutais qu'elle réagirait ainsi, mais ne compris pas pourquoi. Comment pouvait-elle ne pas être effrayée ? - Mais tu n’as pas faim maintenant, déclara-t-elle, parfaitement sûre d’elle-même. - Qu’est-ce qui te laisse penser ça ? - Tes yeux, dit-elle calmement. Je t’ai dit que j’avais une théorie. J’ai remarqué que les gens – les hommes en particulier – sont plus maussades lorsqu’ils ont faim. Je souris à sa description : maussade. C’était bien en dessous de la vérité. Mais elle avait raison sur toute la ligne. Comme d’habitude. - Très observatrice, n’est pas ? Je ris de nouveau. Elle sourit légèrement, la ride entre ses yeux réapparaissant comme si elle était concentrée sur quelque chose. - Tu chassais, ce week-end avec Emmett ? demanda-t-elle après que mon rire se soit évanoui. Sa façon de parler si détendue était aussi fascinante que frustrante. Pouvait-elle vraiment accepter tout cela sans ciller ? J’étais plus choqué qu’elle. - Oui, lui dis-je. Et, alors que j’allais la laisser là-dessus, je ressentis le même besoin que dans le restaurant ; je voulais qu’elle me connaisse. - Je ne voulais pas partir, continuai-je doucement, mais c’était nécessaire. Il m’est plus facile d’être avec toi quand je n’ai pas soif. - Pourquoi ne voulais-tu pas partir ? Je pris une grande inspiration, puis me tournai pour la regarder droit dans les yeux. Ce genre d'honnêteté était difficile à dire, mais pour d'autres raisons. - Ça me rend... anxieux… Je pensais que ce mot suffirait, pourtant, il n’était pas assez fort. - …d'être loin de toi. Je ne plaisantais pas, jeudi dernier, quand je t’ai demandé de faire attention de ne pas tomber dans l’océan ou te faire écraser. J’ai été distrait tout le week-end, m’inquiétant pour toi. Et après ce qui est arrivé ce soir, je suis surpris que tu aies réussi à survivre tout le week-end sans une écorchure. Puis je me souvins de ses blessures aux mains. - Enfin, presque sans écorchure. - Quoi ? - Tes mains, lui rappelai-je. Elle les regarda en grimaçant. - Je suis tombée. J’avais eu raison. - C’est bien ce que je pensais, dis-je, incapable de réprimer un sourire. J’imagine qu’avec toi ça aurait pu être pire – et cette possibilité m'a tourmenté tout le temps où j’étais parti. Ce furent trois jours très longs. J’ai rendu Emmett complètement fou. Il était inutile de parler au passé. J'énervais probablement toujours Emmett et le reste de la famille. Excepté Alice... - Trois jours ? dit-elle, la voix aiguë. Je croyais que tu étais rentré aujourd’hui seulement ? Je ne comprenais pas son ton. - Non, nous sommes revenus dimanche. - Alors pourquoi n’étais-tu pas au lycée ? demanda-t-elle. Son irritation me déboussola. Elle ne semblait pas réaliser que cette question avait un rapport avec ma mythologie. - Eh bien tu as demandé si le soleil nous blessait, et ce n’est pas le cas. Mais nous ne pouvons pas sortir en pleine lumière, pas si il y a du monde autour. Je la distrayais de ce qui la contrariait mystérieusement. - Pourquoi ? demanda-t-elle, penchant la tête sur le côté. Je doutais de trouver une analogie appropriée pour expliquer cela. Donc je décidai de simplement lui dire : - Je te montrerai un jour. Puis je me demandai si je tiendrais cette promesse. La reverrais-je après ce soir ? L’aimais-je assez pour m’éloigner d’elle ? - Tu aurais pu m’appeler, dit-elle. Quelle conclusion étrange. - Mais je savais que tu allais bien. - Mais moi je ne savais pas où tu étais. Je... Elle s'arrêta soudainement, regardant ses mains. - Quoi ? - Je n’ai pas aimé, dit-elle timidement, la peau de ses joues rougissant. Ne pas te voir. Ça me rend anxieuse aussi. Es-tu heureux, maintenant ? me demandai-je à moi-même. Et bien, là était ma récompense pour avoir espéré. J’étais perplexe, exalté, horrifié – surtout horrifié – que tous mes rêves les plus fous se trouvassent si proche d’être exaucés. Voilà pourquoi ça ne la dérangeait pas que je sois un monstre. C'était pour l'exacte même raison que je me fichai complètement des règles à présent. Que le bien et le mal n’avaient plus d’influence sur moi. Que toutes mes priorités s’étaient éclipsées pour laisser cette fille seule en haut de ma liste. Bella m’appréciait aussi. Je savais que ça n’était rien en comparaison de combien moi je l’aimais. Mais c’était assez pour qu’elle risque sa vie en étant assise à côté de moi. Et qu'elle y prenne plaisir. Assez pour la blesser si je faisais enfin la bonne chose, c’est à dire, m’éloigner d’elle. Y avait-il quoi que ce soit que je puisse faire à présent sans la blesser ? J’aurais dû garder mes distances. Je n’aurais jamais dû revenir à Forks. Je ne lui apporterais que de la souffrance. Cela m’empêcherait-il de partir ? Empirant la situation? Cette sensation à présent, sa chaleur sur ma peau... Non. Rien ne pourrait m'arrêter. - Ah, grognai-je pour moi-même. Ça devient compliqué. - Qu’est-ce que j’ai dit ? demanda-t-elle, ramenant tout de suite la faute sur elle. - Ne vois-tu pas, Bella ? C’est une chose que je souffre, mais c’est totalement différent si toi tu commences à être impliquée. Je ne veux pas que tu souffres ainsi. C’était un mensonge, c’était la vérité. L'égoïste en moi planait de savoir qu’elle me voulait autant que je la voulais. - C’est mal. C’est risqué. Je suis dangereux, Bella – s'il te plaît, rentre-toi ça dans le crâne. - Non. Elle fit la moue. - Je suis sérieux. Je luttai avec moi même si fort – à moitié désespéré qu’elle accepte mes avertissements, à moitié qu’elle ne s’échappe pas – que les mots sortirent de ma bouche en un grognement. - Moi aussi je suis sérieuse, insista-t-elle. Je te l’ai dit, ça n’a pas d’importance ce que tu es. C’est trop tard. Trop tard ? Le monde fut désespérément noir et blanc durant une seconde interminable tandis que je regardais les ombres ramper vers la silhouette de Bella endormie. Inévitable, inéluctable. Elles volèrent la couleur de sa peau, la plongeant dans les ténèbres. Trop tard ? La vision d’Alice tourbillonna dans mon esprit, les yeux rouge sang de Bella me fixant, impassibles. Sans expression – mais il était impossible qu’elle ne me haïsse pas pour ce futur. Pour lui avoir tout volé. Volé sa vie et son âme. Il ne pouvait pas être trop tard. - Ne redis jamais ça, sifflai-je. Elle regarda à travers la fenêtre, se mordant les lèvres de nouveau. Ses mains étaient serrées en poings sur ses cuisses. Sa respiration s’accéléra puis se perdit. - À quoi penses-tu ? Je devais savoir. Elle secoua la tête sans se retourner. Je vis quelque chose briller, comme du cristal, sur sa joue. Agonie. - Est-ce que tu pleures ? Je l’avais fait pleurer. Je lui avais fait mal à ce point. - Non, mentit-elle, la voix cassée. Un instinct enfoui me poussa à tendre la main vers elle – à cet instant je me sentais plus humain que je ne l’avais jamais été. Puis je me souvins que... je ne l’étais pas. - Je suis désolé, dis-je, les mâchoires crispées. Pourrais-je un jour lui dire à quel point j’étais désolé ? Désolé pour toutes ces erreurs stupides que j’avais commises. Désolé pour mon égoïsme sans bornes. Désolé qu’elle soit assez malchanceuse pour être l’objet de mon premier et tragique amour. Désolé, aussi, pour les choses qui n’étaient pas de mon ressort – que je fusse le monstre choisi par le destin pour mettre un terme à sa vie, en premier lieu. Je pris une profonde inspiration – ignorant ma réaction méprisable au parfum dans la voiture – et essayai de me ressaisir. Je voulais changer de sujet, pour penser à quelque chose d’autre. Heureusement pour moi, ma curiosité à propos de cette fille était insatiable. J’avais toujours une question en réserve. - Dis-moi quelque chose… dis-je. - Oui ? demanda-t-elle sèchement, les larmes inondant toujours sa voix. - A quoi pensais-tu ce soir, juste avant que je ne débarque ? Je n’ai pas compris ton expression – tu n’avais pas l’air effrayée, c’est comme si tu étais concentrée sur quelque chose. Je me souvins de son visage – essayant d’oublier à travers les yeux de qui je la regardais – et de sa détermination. - J’essayais de me rappeler comment immobiliser un adversaire, dit-elle, la voix calme. Tu sais, self-défense. J’allais lui écraser le nez jusqu’à le lui rentrer dans le crâne. Son calme disparut avant la fin de son explication. Son ton se transforma en haine. Ce n’était pas une hyperbole, et sa furie de petit chat n'était plus drôle du tout. Je pouvais voir sa silhouette frêle – la peau sur les os – dominée par ces hommes baraqués aux gros poings prêts à lui faire du mal. La furie bouillait au fond de ma tête. - Tu allais te battre avec eux ? Je voulais grogner. Ses instincts étaient mortels – pour elle-même. - Tu n’as pas pensé à courir ? - Je tombe souvent quand je cours, dit-elle, embarrassée. - Et appeler à l’aide ? - J’allais le faire. Je secouai la tête, incrédule. Comment avait-elle réussi à survivre avant d’arriver à Forks ? - Tu avais raison, lui dis-je, la voix amère. Je combats vraiment le destin en essayant de te garder en vie. Elle soupira, regardant à travers la vitre. Puis elle me regarda de nouveau. - Te verrai-je demain ? demanda-t-elle abruptement. Puisque j’allais droit en enfer – autant profiter du voyage. - Oui. J’ai d’un devoir à rendre aussi. Je lui souris, ça faisait du bien. - Je te garde une place à la cantine. Son cœur s’emballa, et mon cœur mort sembla soudain se réchauffer. J'arrêtai la voiture en face de la maison de son père. Elle ne fit aucun mouvement pour sortir, et me quitter. - Tu me promets que tu seras là demain ? insista-t-elle. - Je te le promets. Comment pouvais-je retirer autant de bonheur à faire le mauvais choix ? Il y avait quelque chose d'inapproprié là-dedans. Elle acquiesça pour elle même, et commença à retirer ma veste. - Garde-la, lui assurai-je rapidement. Je préférais qu’elle garde quelque chose qui m’appartenait. Un symbole, tout comme la capsule de bouteille au fond de ma poche... - Tu n’as pas de veste pour demain. Elle me la tendit, souriant d’un air piteux. - Je ne veux pas avoir à expliquer ça à Charlie, me dit-elle. J’imaginais bien que non. Je lui souris à mon tour. - Ah oui, bien sûr. Elle posa sa main sur la poignée, puis arrêta son geste. Elle ne désirait pas partir, et je ne voulais pas la laisser s’en aller. La savoir sans protection, même pour quelques instants... Peter et Charlotte était loin déjà, au-delà de Seattle, sans aucun doute. Mais il y en avait toujours d’autres. Ce monde n’était pas un endroit sûr pour quelque humain que ce soit, et pour elle, il semblait encore plus dangereux que pour les autres. - Bella ? demandai-je, surpris pas le plaisir que j’avais à simplement dire son nom. - Oui ? - Est-ce que tu peux me promettre quelque chose ? - Oui, accepta-t-elle facilement ; puis ses yeux se plissèrent comme si elle imaginait une raison d’objecter. - Ne vas pas dans les bois toute seule, l’avertis-je, me demandant si cette requête était digne de l’objection dans ses yeux. Elle cligna des yeux, surprise. - Pourquoi ? Je jetai un regard noir aux ténèbres. Le manque de lumière n’était pas un problème pour mes yeux, mais cela ne gênerait aucun autre traqueur. L'obscurité aveuglait seulement les humains. - Je ne suis pas toujours la chose la plus dangereuse ici, lui dis-je. Restons-en là. Elle frissonna mais retrouva rapidement son calme, et sourit même en me répondant : - Si tu le dis. Son haleine toucha mon visage, si douce et parfumée. J’aurais pu rester ici toute la nuit, mais elle avait besoin de dormir. Les deux désirs semblaient d'égal importance alors qu’ils continuaient de se faire la guerre : la vouloir pour moi contre vouloir sa sécurité. Je soupirai devant cette impossible situation. - Je te vois demain, dis-je, sachant que je la reverrais bien avant cela. Mais elle ne me verrait pas avant le lendemain. - Ok, à demain, acquiesça-t-elle en ouvrant la portière. L’agonie, à nouveau, tandis que je la regardais s’éloigner. Je me penchai vers elle, désireux de la retenir avec moi. - Bella ? Elle se retourna, et se figea, surprise que nos visages se retrouvent si proches. Moi aussi j’étais submergé par cette proximité. Le chauffage m’envoyait des effluves de son parfum par vague, caressant mon visage. Je pouvais sentir la douceur de sa peau… Son cœur se mit à battre frénétiquement et ses lèvres s’entrouvrirent. - Dors bien, murmurai-je, me reculant avant que l’urgence dictée par mon corps – soit la soif familière, ou la toute nouvelle et bizarre faim que je ressentais soudainement – ne me fasse faire quelque chose qui pourrait la blesser. Elle resta assise sans faire un mouvement pendant un petit moment, les yeux stupéfaits et grand ouverts. Éblouie, j’imagine. Tout comme moi. Elle reprit ses esprits – son visage restant toutefois un peu perplexe – tomba à moitié de la voiture, s'emmêlant les pieds, se rattrapant à la portière pour se relever. Je gloussai – trop bas pour qu’elle m’entende. Je la regardai marcher en trébuchant jusqu’au porche. En sécurité pour le moment. Je reviendrais vite pour m’en assurer. Je pouvais sentir ses yeux me suivre tandis que je conduisais dans la rue sombre. C’était une situation tellement différente de ce à quoi je m’étais habitué. D’habitude, je pouvais simplement me regarder m’éloigner à travers les yeux de quelqu’un. C’était étrangement excitant – cette sensation insaisissable de se sentir épié. Je savais que c’était simplement parce qu’il s'agissait de ses yeux. Un millions de pensées se chassèrent les unes les autres dans mon esprit tandis que je conduisais sans but dans la nuit. Pendant un long moment je fis des cercles dans les rues, sans direction fixe, pensant à Bella et au soulagement incroyable de savoir qu’elle connaissait la vérité. Je n’avais plus à me soucier qu’elle découvrît qui j’étais réellement. Elle savait. Et ça ne la dérangeait pas. Même si c’était évidemment une mauvaise chose pour elle, c’était étonnamment libérateur pour moi. Plus que ça, je pensai à Bella et l’amour qui me récompensait. Elle ne pouvait pas m’aimer comme moi je l’aimais – une chose si irrésistible, dévorante, cet amour écrasant aurait probablement brisé son corps fragile. Mais elle se sentait assez forte. Assez forte pour repousser la peur instinctive. Assez pour vouloir être avec moi. Et être avec elle était le plus grand des bonheurs que j'avais jamais connus. Pendant un moment – alors que j’étais seul, sans risque de blesser personne pour une fois – je me permis de ressentir ce bonheur sans la notion tragique. D'être juste heureux qu’elle m’apprécie. De simplement exulter du triomphe d’avoir acquis son affection. Imaginant être près d’elle jour après jour, entendant sa voix, gagnant ses sourires. Je rejouai ce sourire dans ma tête, voyant les coins de ses lèvres se soulever, les fossettes se dessiner sur ses joues, ses yeux chauds... Ses doigts avaient été si chauds et doux sur ma main ce soir. Je m’imaginai touchant sa peau délicate, caressant ses joues – soyeuses, chaudes... tellement fragiles. De la soie sur du verre... affreusement aisé à briser. Je ne vis pas où mes pensées m’emmenaient jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Alors que je m’attardais sur sa vulnérabilité dévastatrice, de nouvelles images de son visage firent irruption dans mes fantaisies. Perdue dans l’ombre, pâle sous l’effet de la peur – pourtant les mâchoires fermes et déterminées, les yeux féroces, pleins de concentration, son corps fin tendu pour attaquer les imposantes formes rassemblées autour d’elle, des cauchemars dans l’obscurité... - Ah, grognai-je, plein de la haine que j’avais momentanément perdue face à cette joie, mais désormais prête à éclater de nouveau dans un accès de rage. J’étais seul. Bella était, j'en étais certain, en sécurité chez elle ; pour un moment j’étais furieusement content que Charlie Swan – chef de la Police locale, entraîné et armé – soit son père. Cela voulait forcément dire quelque chose, procurer un bouclier à Bella. Elle était en sécurité. Cela ne ralentirait pas ma vengeance... Non. Elle méritait mieux. Je ne la laisserais pas s’enticher d’un meurtrier. Mais... que faire pour les autres ? Bella était en sécurité, certes. Angela et Jessica l’étaient aussi, sûrement, au fond de leurs lits. Et pourtant un monstre était libre dans les rues de Port Angeles. Un monstre humain – cela en faisait-il un problème exclusivement humain ? Commettre le meurtre que je désirais commettre ce soir était mal. Je le savais. Mais le laisser en liberté, libre d’attaquer de nouveau ne pouvait pas être bien non plus. L'hôtesse blonde du restaurant. La serveuse que je n’avais pas vraiment regardée. Les deux m’avaient irrité d’une façon très triviale, mais cela ne voulait pas dire qu’elles méritaient d’être mises en danger. N’importe laquelle d’entre elles pouvait être la Bella de quelqu’un. Le fait de réaliser cela me décida. Je dirigeai la voiture vers le nord, accélérant, maintenant que j’avais un but. Dès que j’avais un problème qui me dépassait – quelque chose comme celui-ci – je savais où aller pour trouver de l’aide. Alice était assise sous le porche, m’attendant. Je me garai en face de la maison plutôt que de faire le tour du garage. - Carlisle est dans son bureau, dit Alice avant même que j’aie demandé. - Merci, dis-je, ébouriffant ses cheveux au passage. Merci de m’avoir rappelée, pensa-t-elle, sarcastique. - Oh. Je m'arrêtai près de la porte, sortant le téléphone et l’ouvrant au passage. - Désolé, je n’ai même pas vérifié qui m’avait appelé. J’étais...occupé. - Oui, je sais. Je suis désolé moi aussi. Quand j’ai vu ce qui se tramait, tu étais déjà en chemin. - C’était juste, murmurai-je. Désolée, répéta-t-elle, honteuse. Il m’était facile d’être généreux, sachant Bella en sécurité. - Ne le sois pas. Je sais que tu ne peux pas tout voir. Personne ne s’attend à ce que tu sois omnisciente, Alice. - Merci. - J’ai failli t’inviter à dîner ce soir – est-ce que tu as vu ça avant que je ne change d’avis? Elle me fit un grand sourire. - Non, j’ai loupé ça aussi. J’aurais aimé savoir. Je serais venue. - Sur quoi te concentrais-tu pour manquer tant de choses ? Jasper pense à notre anniversaire de mariage. Elle rit. Il essaie de ne pas prendre de décision pour mon cadeau, mais je pense avoir un bonne idée... - Tu es scandaleuse. - Ouaip. Elle pressa ses lèvres puis me fixa, une pointe d’accusation dans son expression. Je ferai plus attention plus tard. Vas-tu leur dire qu’elle sait ? Je soupirai. - Oui, plus tard. Je ne dirai rien. Fais-moi une faveur et attends que je ne sois pas dans le coin pour le dire à Rosalie, ok ? Je tressaillis. - Bien sûr. Bella l’a bien pris. - Trop bien. Alice me sourit de nouveau. Ne la sous-estime pas. J’essayai de bloquer l’image que je ne voulais pas voir – Bella et Alice, meilleures amies. Impatient à présent, je soupirai bruyamment. Je voulais en finir avec la prochaine étape de la soirée. Mais j’étais inquiet de quitter Forks... - Alice... commençai-je. Elle vit ce que je prévoyais de lui dire. Tout ira bien pour elle ce soir. Je surveille à présent. Elle a vraiment besoin d’une surveillance 24h/24, n’est ce pas ? - Au moins. - De toute façon, tu seras bientôt avec elle. Je pris une grande inspiration. Ces mots étaient si beaux. - Vas-y – finis-en avec ça pour que tu puisses être là où tu veux être. J'acquiesçai, et me dépêchai de monter dans la chambre de Carlisle. Il m’attendait, les yeux sur la porte plutôt que sur le gros livre posé sur son bureau. - J’ai entendu Alice te dire où me trouver, dit-il en souriant. C’était un soulagement d’être avec lui, de voir son empathie et cette profonde intelligence dans ses yeux. Carlisle saurait quoi faire. - J’ai besoin d’aide. - Ce que tu veux, Edward, promit-il. - Est ce qu'Alice t’a dit ce qui est arrivé à Bella ce soir ? Ce qui a failli arriver, corrigea-t-il. - Oui, failli. J’ai un dilemme Carlisle. Tu vois, je veux... vraiment... le tuer. Les mots sortirent vite et avec passion. - Tellement. Mais je sais que c’est mal, parce que c’est de la vengeance, pas de la justice. De la haine sans impartialité. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas juste de laisser un violeur et tueur en série déambuler dans les rues de Port Angeles ! Je ne connais pas d’humains là bas, mais je ne peux pas laisser quelqu’un prendre la place de Bella comme victime. Ces autres femmes – quelqu’un pourrait ressentir pour elles ce que je ressens pour Bella. Ils pourraient souffrir autant que moi si elle avait été blessée. Ce n’est pas juste - Son sourire aussi large qu'imprévu m'arrêta dans mon flot de paroles. Elle est bien pour toi n’est ce pas ? Tellement de compassion, tellement de contrôle, je suis impressionné. - Je ne suis pas parti à la pêche aux compliments, Carlisle. - Bien sûr que non. Mais je ne peux pas retenir mes pensées, n’est ce pas ? Il sourit de nouveau. - Je vais m’en occuper. Tu peux te relaxer. Personne ne sera blessé à la place de Bella. Je vis son plan dans sa tête. Ce n’était pas exactement ce que je voulais, cela ne satisferait pas ma soif de brutalité, mais je pouvais voir que c’était la bonne chose à faire. - Je vais te montrer où le trouver, dis-je. - Allons-y. Il attrapa son sac noir au passage. J’aurais préféré une forme de sédation plus agressive – comme lui briser le crâne – mais je laisserais Carlisle gérer cela à sa façon. Nous prîmes ma voiture. Alice était toujours sur les marches. Elle fit un grand sourire et nous salua de la main tandis que nous nous éloignions. Je savais qu’elle avait regardé le futur pour moi ; nous n’aurions aucune difficulté. | |
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| Sujet: Re: Chapitre 10. Théorie Lun 1 Mar - 5:51 | |
| Le voyage fut rapide sur la sombre route déserte. J'éteignis mes phares pour ne pas attirer l’attention. Cela me fit sourire d’imaginer comment Bella réagirait à la vitesse à laquelle nous roulions à présent. J'étais déjà en train de rouler plus lentement que d’habitude - pour prolonger le temps passé avec elle – quand elle avait objecté. Carlisle pensait à Bella aussi.
Je n’avais pas prévu qu’elle serait aussi bénéfique pour lui. C’est inattendu. Peut-être que cela devait se dérouler ainsi. Peut-être qu’il y a quelque chose derrière tout ça. Seulement... Il s’imagina Bella avec la peau froide, les yeux rouges sang, puis fit disparaître cette image. Oui. Seulement. Bien sûr. Qu'y aurait-il de bon à détruire quelque chose de si pur et adorable? Je jetai un regard dehors, toute la joie de cette soirée détruite par ses pensées. Edward mérite le bonheur. Il l’a acquis. Cette férocité dans les pensées de Carlisle me surprit. Il doit y avoir un moyen. J’aurais aimé croire à ses paroles - n’importe laquelle des deux. Mais il n’y avait rien derrière ce qui arrivait à Bella. Juste le destin, vicieux, horrible, amer, qui ne voulait pas donner à Bella la vie qu’elle méritait.
Je ne m’attardais pas à Port Angeles. J’amenai Carlisle dans la rue ou la créature dénommée Lonnie noyait sa déception avec ses amis - deux d'entre eux s’étaient déjà évanouis. Carlisle pouvait voir à quel point cela était dur pour moi d’être aussi près - d’entendre les pensées de ce monstre, de voir ses souvenirs, les souvenirs de Bella mélangés à ceux d’autres filles pas assez chanceuses pour être sauvées.
Ma respiration s’accéléra. Je serrai le volant.
Va-t-en, Edward, me dit-il gentiment. Je vais m’en occuper. Rejoins Bella. C’était exactement ce qu’il fallait me dire. Son nom était la seule chose qui pouvait me distraire à ce moment. Je le laissai dans la voiture et courus jusqu’à Forks, tout droit, à travers la forêt endormie. Cela me prit moins de temps qu’à l’aller dans la voiture. Quelques minutes après, j'escaladais le flanc de sa maison, me glissant à travers la fenêtre. Je soupirai silencieusement, soulagé. Tout était en place. Bella était en sécurité dans son lit, rêvant, ses cheveux mouillés, emmêlés tels des algues sur son oreiller. Mais, contrairement aux autres nuits, elle était recroquevillée dans ses draps, les coins de sa couette bien calés sous ses épaules. Elle avait sûrement froid. Avant que je puisse m'asseoir dans ma chaise habituelle, elle frissonna dans son sommeil, et ses lèvres tremblèrent. Je réfléchis durant un moment, puis me glissai dans le couloir, explorant une nouvelle partie de sa maison pour la première fois. Les ronflements de Charlie étaient assez forts. Je pouvais presque attraper ses rêves. Quelque chose concernant la force de l’eau, une attente patiente... une partie de pêche, peut-être? Là, en haut des escaliers se trouvait un placard prometteur. Je l’ouvris, plein d'espoir, et trouvai ce que je cherchais. Je pris la plus grosse des couvertures de la toute petite étagère, et la ramenai dans sa chambre. Je la rangerais avant qu’elle ne se réveille, et personne n’en saurait jamais rien.
Retenant ma respiration, j’étalai précautionneusement la couverture sur elle ; elle ne réagit pas à l’excédent de poids. Je retournai dans la chaise à bascule. Tandis que j'attendais anxieusement qu’elle se réchauffe, je pensai à Carlisle, me demandant ce qu’il faisait en ce moment. Je savais que son plan se déroulerait sans problèmes - Alice l’avait vu. Penser à mon père me fit soupirer - Carlisle me faisait trop confiance. J’aurais aimé être la personne qu’il pensait que j’étais. Cette personne, celle qui méritait d’être heureux, qui pourrait espérer être digne de cette fille endormie. Combien les choses seraient différentes si je pouvais être cet Edward-là.
Alors que je méditais là-dessus, une image étrange surgit dans mon esprit.
Pendant un moment, le destin maléfique que j’avais imaginé, celui qui annonçait la destruction de Bella, fut remplacé par le plus fou et téméraire des anges. Un ange gardien - quelque chose qui ressemblait à la version de Carlisle me concernant. Avec un sourire insouciant sur ses lèvres, ses yeux bleu ciel pleins d'espièglerie, l’ange représenta Bella d’une telle façon qu’il m’était impossible de la négliger. Un parfum d’une puissance ridicule demandant mon attention, un esprit silencieux enflammant ma curiosité, une beauté silencieuse retenant mes yeux, un esprit altruiste gagnant mon estime. Enlever l’instinct naturel de survie - pour que Bella puisse accepter de rester auprès de moi - et finalement, ajouter un don pour s'attirer des ennuis. Avec un rire imprudent, l’ange irresponsable propulsa sa fragile création directement sur mon chemin, croyant allègrement que ma moralité défectueuse suffirait à maintenir Bella en vie. Dans cette vision, je n’étais pas la punition de Bella, elle était ma récompense. Je secouais ma tête devant la fantaisie cet ange sans jugeote. Il n’était pas mieux que le destin maléfique. Je ne pouvais pas m’incliner devant un pouvoir supérieur qui agirait de manière si stupide et dangereuse. Au moins, le destin, je pouvais le combattre.
Et je n’avais pas d’ange. Ils étaient réservés aux bonnes gens - les gens comme Bella. Où donc était passé son ange ? La surveillait-il? Je ris en silence, surpris de réaliser qu’à ce moment précis, je remplissais ce rôle.
Un ange vampire - c’était contradictoire. Environ une demi-heure plus tard, Bella se relaxa sous son cocon. Sa respiration s'approfondit et elle commença à murmurer. Je souris, satisfait. C’était une petite chose, mais au moins, elle dormirait mieux ce soir, parce que j’étais là. - Edward, soupira-t-elle, et elle sourit, elle aussi.
Je repoussai la tragédie pour le moment, me laissant être de nouveau heureux. | |
| | | | Chapitre 10. Théorie | |
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