Mathilde Co-admin
Messages : 338 Date d'inscription : 20/02/2010 Age : 30 Localisation : Dans mes vision...
Dévoile-toi☻ ○Nom & Prénom○: Mary Alice Brandon Cullen ○Tes Relations○: Race: Vampire Végétarienne
| Sujet: Chapitre 4. Visions Lun 1 Mar - 5:37 | |
| Je retournai en cours. C'était la bonne chose à faire, qui me permettrait de passer inaperçu. À la fin de la journée, la plupart des autres élèves étaient revenus, eux aussi. Les seuls absents restaient Tyler et Bella – et quelques autres qui avaient probablement profité de l'accident pour sécher les cours.
Il n'aurait pas dû être si dur de faire ce qui était le mieux. Mais, tout l'après-midi, je serrai les dents contre l'envie qui me hantait de sécher les cours, moi aussi – pour aller retrouver la fille. Comme un traqueur obsessionnel. Un vampire rôdeur et obsédé. Les cours aujourd'hui étaient – ce qui me semblait impossible – encore plus ennuyeux que la semaine précédente. Comme si j'étais dans le coma. Comme si les briques, les arbres, le ciel, les visages autour de moi, avaient perdu leurs couleurs... Je fixai les lézardes au mur. Il y avait une autre chose que j'aurais dû faire… et que je n'avais pas faite. Bien sûr, c'était aussi une mauvaise chose. Tout dépendait de la perspective selon laquelle on la voyait.
Selon le point de vue d'un Cullen – pas seulement d'un vampire, mais d'un Cullen, quelqu'un qui appartenait à une famille, ce qui était tellement rare dans notre monde – la bonne chose à faire aurait été dans ces lignes-là : - Je suis surpris de te voir en classe, Edward. J'ai entendu dire que tu étais impliqué dans l'horrible accident de voiture de ce matin. - C'est le cas, M. Banner, mais j'ai été chanceux. (Un sourire amical). Je n'ai pas du tout été blessé… J'aurai aimé pouvoir en dire autant de Tyler et Bella. - Comment vont-ils ? - Je pense que Tyler va bien... Quelques égratignures superficielles dues au verre du pare-brise. Par contre, je ne suis pas sûr pour Bella. (Un froncement de sourcils soucieux.) Il se peut qu'elle ait subi une commotion cérébrale. J'ai entendu qu'elle était assez incohérente pendant un moment – elle avait même des visions. Je sais que les docteurs étaient inquiets…
C'est comme ça que cela aurait dû se passer. Je le devais à ma famille. - Je suis surpris de te voir en classe, Edward. J'ai entendu dire que tu étais impliqué dans l'horrible accident de voiture de ce matin.
- Je n'ai pas été blessé. Pas de sourire. M. Banner changea de pied d'appui, mal à l'aise. - As-tu une quelconque idée de l'état de Tyler et Bella? J'ai entendu qu'ils avaient eu des blessures...
Je haussai des épaules. - Je n'en sais rien. M. Banner s'éclaircit la gorge. - Euh, bien... dit-il, mon regard froid le forçant à abandonner son interrogatoire. Il se dirigea rapidement vers le devant de la classe et commença son cours. Ce n'était pas la bonne chose à faire. Sauf si on le voyait d'un point de vue plus obscur. Cela semblait juste si… peu galant de calomnier la fille dans son dos, surtout compte tenu du fait qu'elle se prouvait plus digne de confiance que je ne l'aurais cru. Elle n'avait pas dit un mot pour me trahir, bien qu'elle eût de bonnes raisons de le faire. Comment pourrais-je la trahir alors qu'elle n'avait rien fait d'autre à faire que de garder mon secret ? J'eus une conversation pratiquement identique avec Mme Goff – en espagnol plutôt qu'en anglais cette fois – et Emmett me lança un long regard. J'espère que tu as une bonne explication pour ce qui s'est passé aujourd'hui. Rose t'en veut à mort. Je levai les yeux au ciel sans le regarder. En fait, j'avais trouvé une explication tout à fait valable. Supposons que je n'aie pas empêché la camionnette d'écraser la fille… J'eus un mouvement de recul à cette pensée. Mais si elle avait été percutée, si, gravement blessée, elle s'était mise à saigner, si son fluide rouge avait coulé, gâché, sur le sol, si l'odeur de son sang frais avait flotté dans l'air… Je frémis à nouveau, mais pas seulement d'horreur. Une part en moi frémissait de désir. Non, je n'aurai pas été capable de la regarder saigner sans nous exposer d'une façon bien plus flagrante et choquante.
C'était une excuse tout à fait plausible... mais je ne l'utiliserais pas. C'était trop honteux. Et je n'y avais pensé que longtemps après les faits, de toute façon. Méfie-toi de Jasper, continua Emmett, inconscient de ma rêverie. Il n'est pas autant en colère... mais il est plus décidé. Je vis ce qu'il voulait dire, et pendant un moment la salle sembla tourner autour de moi. Ma rage consumait tout au point qu'un voile rouge recouvrit ma vue. J'eus l'impression d'étouffer.
Bon sang, Edward ! Ressaisis-toi ! me cria Emmett dans sa tête. Sa main appuya sur mon épaule, me retenant à ma place avant que je puisse sauter sur mes pieds. Il utilisait rarement la totalité de sa force – il n'en avait que rarement besoin, étant donné qu'il était tellement plus fort qu'aucun vampire que nous ayons jamais rencontré – mais il l'utilisa en ce moment même. Il retenait mon bras, plutôt que de le tirer vers le bas. S'il avait tiré, la chaise sous moi se serait effondrée. Doucement ! ordonna-t-il. J'essayai de me calmer, mais c'était difficile. La rage bouillonnait dans ma tête. Jasper ne fera rien tant que nous n'aurons pas parlé. Je pensais juste que tu devais connaître la direction de ses pensées. Je me concentrai sur le fait de me calmer, et la main d'Emmett se relâcha. Essaie de ne pas te donner encore plus en spectacle. Tu as déjà assez d'ennuis comme ça. Je respirai profondément et Emmett me relâcha complètement. Je fis rapidement le tour de la salle des yeux, mais notre confrontation avait été si brève et silencieuse que seules quelques personnes assises derrière Emmett l'avaient remarquée. Aucune d'entre elles ne sut qu'en penser, et elles laissèrent tomber. Les Cullen étaient bizarres – ce n'était pas nouveau.
Mince, tu es dans un état... ajouta Emmett, la sympathie teintant ses mots. - Mords-moi, murmurai-je doucement, et je l'entendis rire tout bas.
Emmett n'était pas rancunier, et j'aurais probablement dû être plus reconnaissant pour sa nature insouciante. Mais je vis qu'il comprenait la réaction de Jasper, qu'il réfléchissait si ce n'était pas la meilleure possibilité.
Je bouillais de rage, ne la contrôlant plus vraiment. Oui, Emmett était plus fort que moi, mais il ne m’avait jamais battu à la lutte. Il clamait que c'était parce que je trichais, mais lire dans les pensées faisait tout autant partie de moi que sa force immense faisait partie de lui. Nous étions à égalité dans un combat. Un combat ? Était-ce ce vers quoi nous allions ? Allais-je devoir me battre contre ma famille pour une humaine que je connaissais à peine ?
Je pensai à cela pendant un moment, pensai à la sensation provoquée par le fait de la tenir, fragile, dans mes bras, en juxtaposition avec Jasper, Rose et Emmett – extraordinairement forts et rapides, des machines à tuer…
Oui, je me battrai pour elle. Contre ma famille. Je frémis. Mais ce n'était pas loyal, de la laisser sans défense alors que c'était moi qui l'avais mise en danger. Je ne pouvais pas gagner seul, cependant, pas contre eux trois, et je me demandai qui seraient mes alliés.
Carlisle, certainement. Il ne se battrait contre personne, mais il serait complètement opposé aux desseins de Rose et Jasper. Cela suffirait peut-être. Je verrais…
Esmé, j'en doutais. Elle ne se mettrait pas contre moi non plus, et elle détesterait ne pas être d'accord avec Carlisle, mais elle ferait tout pour garder sa famille intacte. Sa priorité ne serait pas la droiture, mais moi. Si Carlisle était l'âme de notre famille, Esmé en était le cœur. Il nous donnait un leader qui valait la peine d'être suivi ; elle nous le faisait suivre par amour. Nous nous aimions tous les uns les autres – même en étant furieux contre Jasper et Rose, même en prévoyant de les combattre pour sauver la fille, je savais que je les aimais.
Alice… Je n'en avais aucune idée. Cela dépendrait probablement de ce qu'elle verrait venir. J'imaginais qu'elle se mettrait du côté des gagnants.
Donc, je ne devais compter que sur moi-même. Je n'étais pas assez fort pour gagner contre eux tout seul, mais je ne les laisserais pas faire de mal à la fille à cause de moi. Cela pouvait vouloir dire fuir…
Ma rage s'atténua un peu avec le soudain humour noir. J'imaginais comment la fille réagirait si je la kidnappais. Bien sûr, je me trompais à chaque fois que je m'imaginais ses réactions, mais que pourrait-elle ressentir, sinon la terreur ? Mais je n'étais pas sûr de la façon de procéder – pour la kidnapper. Je ne pourrais pas supporter d'être près d'elle pendant très longtemps. Peut-être que je ne ferais que la rapporter à sa mère. Même cela serait terriblement dangereux. Pour elle.
Et aussi pour moi, réalisai-je soudainement. Si je la tuais par accident… Je n'étais pas exactement certain de la douleur que cela me causerait, mais cette douleur présenterait de multiples facettes et serait intense. Le temps passa vite pendant que je ruminais les complications qui m'attendaient : la dispute qui m'attendait à la maison, le conflit avec ma famille, les extrémités auxquelles je serais peut-être forcé de recourir…
En tout cas, je ne pouvais plus prétendre que la vie en dehors de cette école était monotone. La fille avait changé au moins ça.
Emmett et moi marchâmes silencieusement vers la voiture quand la sonnerie retentit. Il s'inquiétait pour moi, et s'inquiétait pour Rosalie. Il savait de quel côté il serait obligé de se ranger en cas de dispute, et cela l'embêtait.
Les autres nous attendaient dans la voiture, en silence. Nous étions un groupe très silencieux. Il n'y avait que moi qui pouvais entendre les cris. Idiot ! Débile ! Crétin ! Abruti ! Imbécile irresponsable et égoïste ! Rosalie maintenait un flot constant d'insultes au volume le plus élevé de sa voix mentale. Cela rendait la lecture des autres pensées difficile, mais je l'ignorai comme je pus. Emmett avait raison à propos de Jasper. Il était certain de ce qu'il allait faire. Alice était troublée, inquiète pour Jasper, feuilletant des images du futur. Quelle que soit la façon dont Jasper prévoyait d'atteindre la fille, Alice me voyait toujours, le bloquant. Intéressant…. ni Rosalie ni Emmett n'étaient avec lui dans ces visions. Jasper avait donc prévu de travailler seul. Cela égaliserait les chances. Jasper était sans aucun doute le meilleur combattant d'entre nous, le plus expérimenté. Mon seul avantage résiderait dans ma capacité à lire dans ses pensées les mouvements qu'il prévoyait de faire avant qu'il ne les fasse.
Je n'avais jamais combattu Emmett et Jasper sinon en plaisantant, juste pour chahuter. Je me sentais mal rien que de penser à faire vraiment du mal à Jasper… Non, pas ça. Juste le bloquer. C'était tout. Je me concentrai sur Alice, mémorisant les différentes possibilités d'attaque que Jasper envisageait.
Pendant que je faisais cela, ses visions changeaient, s'éloignant de plus en plus de la maison des Swan. Je l'arrêtais toujours plus tôt…
Arrête ça, Edward ! Ça ne peut pas se passer comme ça. Je ne le permettrai pas.
Je ne lui répondis pas, et continuai juste de regarder. Elle commença à chercher plus loin, dans le domaine brumeux et peu sûr des possibilités plus distantes. Tout était vague et dans l'ombre. Pendant tout le trajet vers la maison, un silence tendu régna. Je me garai dans le grand garage à l'écart de la maison ; la Mercedes de Carlisle était là, à côté de la grosse Jeep d'Emmett, la M3 de Rose et ma Vanquish. J'étais content que Carlisle soit déjà à la maison, ce silence finirait par exploser et je préférais qu'il soit présent au moment où cela se produirait.
Nous nous dirigeâmes directement vers la salle à manger. La salle n'était, bien sûr, jamais utilisée dans son but premier. Mais elle contenait une grande table ovale en acajou entourée de chaises – nous étions scrupuleux en ce qui concernait les accessoires qui participaient à notre façade. Carlisle aimait à l'utiliser comme salle de conférence. Dans un groupe comprenant tant de personnalités fortes et disparates, il était parfois nécessaire de discuter les choses calmement en s'asseyant. J'eus le sentiment que le fait de s'asseoir n'aiderait pas vraiment aujourd'hui.
Carlisle était assis à sa place habituelle, du côté est de la salle. Esmé était à côté de lui, ils se tenaient la main par-dessus la table.
Les yeux d'Esmé me sondaient, leur profondeur dorée pleine d'inquiétude.
Reste. C'était son unique pensée. J'aurai souhaité pouvoir sourire à la femme qui était véritablement une mère pour moi, mais je n'avais pas les moyens de la rassurer à ce moment précis. Je m'assis de l'autre côté de Carlisle. Esmée tendit sa main libre autour de lui pour la poser sur mon épaule. Elle n'avait aucune idée de ce qui allait débuter maintenant ; ses seules pensées étaient de l'inquiétude pour moi.
Carlisle avait mieux compris ce qui se tramait. Ses lèvres étaient pincées et son front plissé. L'expression faisait trop vieux pour son visage si jeune.
Comme chacun s'asseyait, je pus voir les groupes se former. Rosalie s'assit directement en face de Carlisle, à l'autre bout de la longue table. Elle me lançait des regards furieux, ne me lâchant pas des yeux. Emmett s'assit à côté d'elle, son visage abordant une grimace et ses pensées désabusées. Jasper hésita, et alla s'adosser au mur derrière Rosalie. Il était décidé ; peu importait le résultat de la discussion. Je serrai les dents.
Alice fut la dernière à entrer, et ses yeux étaient fixés vers le lointain – le futur, toujours trop indistinct pour en être sûre pour le moment. Sans paraître le remarquer, elle s'assit à côté d'Esmée. Elle se frotta le front comme si elle avait un mal de tête. Jasper, nerveux, considéra un moment la possibilité la rejoindre, mais garda sa place. Je pris une grande inspiration. J'avais engendré tout cela, c'était à moi de parler le premier.
- Je suis désolé, dis-je, regardant d'abord Rose, puis Jasper et enfin Emmett. Je ne voulais pas prendre le risque de vous impliquer. C'était irréfléchi, et je prends toutes mes responsabilités pour cette action précipitée.
Rosalie me lança un regard absolument sinistre. - Que veux-tu dire par « prendre mes responsabilités » ? Vas-tu réparer ce que tu as fait ? - Pas de la façon à laquelle tu penses, dis-je, me concentrant pour garder une voix égale. Je serais d'accord pour m'en aller maintenant, si cela arrangeait les choses. Si j'ai la certitude que la fille sera en sécurité, qu'aucun de vous ne la touchera, amendai-je dans ma tête.
- Non, murmura Esmé. Non, Edward. Je tapotai sa main.
- Il ne s'agit que de quelques années. - Esmée à raison, pourtant, dit Emmett. Tu ne peux aller nulle part maintenant. Ça serait le contraire d'utile. Nous avons besoin de savoir ce que les gens pensent, aujourd'hui plus que jamais. - Alice verra le principal, lui répondis-je. Carlisle secoua la tête. - Je pense qu'Emmett a raison, Edward. La fille parlera plus facilement si tu disparais. C'est tout le monde qui part, ou bien personne.
- Elle ne dira rien, insistai-je rapidement. Rose était sur le point d'exploser, et je voulais mettre ce point au clair avant.
- Tu ne connais pas ses pensées, me rappela Carlisle. - Je sais au moins cela. Alice, soutiens-moi. Alice me regarda avec lassitude.
- Je ne peux pas savoir ce qui se passera si l'on ignore cela. Elle jeta un coup d'œil à Rose et Jasper. Non, elle ne pouvait pas voir ce futur, pas tant que Rosalie et Jasper seraient opposés à ignorer l'incident. Les paumes de Rosalie s'abattirent violemment sur la table. - Nous ne pouvons pas accorder à l'humaine une chance de dire quoi que ce soit. Carlisle, tu dois au moins voir cela. Même si nous décidions de tous disparaître, ce n'est pas sain de laisser des histoires derrière nous. Nous vivons si différemment du reste de notre monde – tu sais qu'il y en a qui utiliseraient la moindre excuse pour nous pointer du doigt. Nous devons absolument faire plus attention que quiconque ! - Nous avons déjà laissé des rumeurs derrière nous précédemment, lui rappelai-je. - Des rumeurs et des superstitions, Edward. Pas des témoins oculaires et des preuves ! - Des preuves ! me moquai-je. Mais Jasper acquiesçait, le regard dur. - Rose… commença Carlisle. - Laisse-moi finir, Carlisle. On n'a pas besoin d'inventer tout un scénario. La fille s'est cogné la tête aujourd'hui. Imaginons que la blessure se révèle plus sérieuse qu'elle n'y paraissait. (Rosalie haussa les épaules.) Tous les humains s'endorment avec le risque de ne jamais se réveiller. Les autres s'attendront à ce que nous fassions le ménage derrière nous. Techniquement, c'est le travail d'Edward, mais apparemment c'est au-dessus de ses forces. Vous savez que je sais me contrôler. Je ne laisserai aucune preuve derrière moi.
- Oui, Rosalie, nous savons tous quel assassin compétent tu fais, grognai-je en montrant mes dents. Elle siffla entre ses dents, furieuse.
- Edward, s'il te plaît, dit Carlisle. (Puis, se tournant vers Rosalie) Rosalie, j'ai fermé les yeux à Rochester parce que je sentais que tu méritais une forme de justice. Les hommes que tu as tués t'avaient fait un tort monstrueux. Nous ne sommes pas dans la même situation ici. La fille Swan est innocente. - Ça n'a rien de personnel, Carlisle, prononça Rosalie entre ses dents. Il s'agit de nous protéger tous. Il y eut un bref moment de silence pendant lequel Carlisle réfléchit à sa réponse. Quand il hocha la tête, le visage de Rosalie s'éclaira. Elle aurait dû réfléchir, pourtant. Même sans ma capacité de lire dans ses pensées, j'aurai pu anticiper ses paroles. Carlisle ne faisait jamais de compromis.
- Je sais que tes intentions sont honorables, Rosalie, mais… j'aimerais vraiment que notre famille vaille la peine d'être protégée. Le… l'accident occasionnel ou perte de contrôle est une part regrettable de ce que nous sommes. (C'était tout lui de s'inclure dans le pluriel, bien qu'il n'ait jamais eu de perte de contrôle, lui.) Assassiner de sang froid une enfant innocente en est une autre. Je pense que le risque qu'elle présente, qu'elle parle de ses soupçons ou pas, n'est rien à côté d'un plus grand risque. Si nous faisons des exceptions pour nous protéger, nous risquons quelque chose de bien plus important. Nous risquons de perdre de vue l'essence de ce que nous sommes. Je contrôlai fermement mon expression. Ça n'irait pas du tout si je souriais. Ou si j'applaudissais, ce que j'aurai vraiment aimé pouvoir faire.
Rosalie lui lança un regard noir.
- C'est être responsable. - C'est être insensible, la corrigea Carlisle gentiment. Chaque vie est précieuse. Rosalie soupira lourdement et fit la moue. Emmett tapota son épaule. - Ça se passera bien, Rose, l'encouragea-t-il à voix basse. - La question, continua Carlisle, est de savoir si nous devons déménager. - Non, gémit Rosalie. Nous venons de finir de nous installer. Je n'ai pas envie de recommencer ma terminale encore une fois !
- Tu pourrais garder ton âge présent, bien sûr, dit Carlisle. - Et devoir déménager une nouvelle fois dans si peu de temps ? riposta-t-elle. Carlisle haussa les épaules. - J'aime être ici ! Il y a si peu de soleil, on peut prétendre être presque normaux. - Bon, nous ne sommes pas obligés de nous décider maintenant. Nous pouvons attendre et voir si cela devient nécessaire. Edward a l'air d'être sûr du silence de la fille Swan. Rosalie grogna. Mais je n'étais plus inquiet de Rose. Je voyais qu'elle accepterait la décision de Carlisle, peu importe à quel point je l'exaspérais. Leur conversation portait sur des détails moins importants.
Jasper n'avait pas bougé. Je compris pourquoi. Avant d'avoir rencontré Alice, il vivait dans une zone de combats, théâtre d'une guerre permanente. Il savait à quoi l'on se risquait si l'on défiait les lois – il avait vu les suites horribles de ses propres yeux. Qu'il n'ait pas essayé de calmer Rosalie avec ses capacités en disait long sur son état d'esprit, non qu'il essayât de l'irriter à présent. Il se maintenait à l'écart de cette conversation – au-dessus.
- Jasper, dis-je.
Il rencontra mon regard, son visage sans expression.
- Elle ne paiera pas pour mon erreur. Je ne l'autoriserai pas. - Elle en bénéficie, dans ce cas. Elle aurait dû mourir aujourd'hui, Edward. Je ne vois cela que comme un juste retour aux choses.
Je me répétai, accentuant chaque mot. - Je n'autoriserai pas cela. Ses sourcils se soulevèrent. Il ne s'attendait pas à cela – il n'avait pas imaginé que je me dresserais contre lui pour l'arrêter. Il secoua une fois la tête.
- Je ne laisserai pas Alice vivre dans le danger, si petit soit-il. Tu ne ressens pour personne ce que ressens pour elle, Edward, et tu n'as pas vécu ce que j'ai vécu, que tu aies vu mes souvenirs ou pas. Tu ne comprends pas. - Je ne remets en cause aucune de ces choses, Jasper. Mais je te le dis maintenant, je ne t'autoriserai pas à faire du mal à Isabella Swan. Nous nous fixâmes réciproquement, pas en nous foudroyant du regard, mais en toisant la position de l'autre. Je le sentais tâter les sensations qui m'entouraient, mesurant ma détermination.
- Jazz, dit Alice, nous interrompant.
Il tint mon regard encore un moment, puis la regarda. - Ne te donne pas la peine de me dire que tu peux te débrouiller toute seule, Alice. Je le sais déjà. Mais je dois quand même… - Ce n'est pas ce que j'allais dire, l'interrompit Alice. J'allais te demander une faveur. Je vis ce qui était dans ses pensées, et ma bouche s'ouvrit dans une expression de surprise. Je la fixai, choqué, seulement vaguement conscient que tout le monde à part Alice et Jasper me regardait à présent avec une expression prudente. - Je sais que tu m'aimes. Merci. Mais j'apprécierais vraiment que tu essayes de ne pas tuer Bella. Premièrement, Edward est sérieux et je ne veux pas que vous vous battiez. Deuxièmement, elle est mon amie. Tout du moins, elle va le devenir. C'était clair comme de l'eau de roche dans sa tête : Alice, souriante, avec son bras glacé entourant les épaules chaudes et fragiles de la fille. Et Bella souriait, elle aussi, son bras autour de la taille d'Alice. La vision était très solide ; seul le temps n'était pas fixé.
- Mais… Alice… haleta Jasper. Je n'arrivai pas à tourner ma tête pour voir son expression. Je n'arrivai pas à m'arracher à l'image dans les pensées d'Alice pour me concentrer sur les siennes. - Je vais l'aimer un jour, Jazz. Je serais très en colère contre toi si tu ne la laissais pas vivre.
J'étais encore enchaîné aux pensées d'Alice. Je voyais miroiter le futur tandis que la résolution de Jasper s'effritait devant sa demande inattendue.
- Ah, soupira-t-elle – son indécision avait éclairé un nouveau futur. Vous voyez ? Bella ne dira rien. Il n'y a aucun souci à se faire.
La façon dont elle disait le nom de la fille… comme si elles étaient déjà de proches confidentes…
- Alice, m'étranglai-je, Qu'est-ce que c'est… ça…? - Je t'ai bien dit qu'il y avait un changement à venir. Je ne sais pas, Edward. Mais elle serra la mâchoire, et je vis qu'il y avait autre chose. Elle était en train d'essayer de ne pas y penser ; elle se concentrait très fort sur Jasper tout d'un coup, bien qu'il soit trop stupéfait pour avoir progressé dans ses décisions pour le moment. Elle faisait cela, des fois, quand elle essayait de me cacher quelque chose. - Qu'est-ce qu'il y a, Alice ? Qu'est-ce que tu me caches ? J'entendis Emmett grommeler. Ça le frustrait toujours quand Alice et moi tenions ce genre de conversation.
Elle secoua la tête, essayant de ne pas me laisser entrer. - C'est à propos de la fille ? insistai-je. C'est à propos de Bella ? Elle serrait les dents tellement elle était concentrée, mais quand je prononçai le nom de Bella, cela lui échappa. Cela ne dura qu'une minuscule portion de seconde, mais c'était assez.
- NON ! hurlai-je. J'entendis ma chaise tomber par terre, et réalisai que j'étais debout. - Edward ! Carlisle s'était levé, lui aussi, sa main sur mon épaule. Je n'avais que vaguement conscience de lui.
- C'est en train de se solidifier, chuchota Alice. Chaque minute, tu es plus décidé. Il n'y a vraiment plus que deux voies pour elle. C'est soit l'une soit l'autre, Edward. Je voyais ce qu'elle voyait… mais je ne pouvais pas l'accepter.
- Non, dis-je de nouveau; il n'y avait pas de volume dans mon démenti. Mes jambes semblaient creuses, et je dus m'appuyer contre la table.
- Quelqu'un aurait-il la gentillesse de nous inclure dans la conversation ? se plaignit Emmett.
- Je dois partir, chuchotai-je à Alice, l'ignorant. - Edward, nous en avons déjà parlé, dit Emmett avec force. C'est la meilleure façon de faire parler la fille. En plus, si tu pars, nous ne saurons pas vraiment si elle parle ou pas. Tu dois rester pour t'en occuper.
- Je ne te vois aller nulle part, Edward, me dit Alice. Je ne sais pas si tu es encore capable d'aller où que ce soit. Penses-y, ajouta-t-elle silencieusement. Pense à partir. Je vis ce qu'elle voulait dire. Oui, l'idée de ne plus jamais revoir la fille était… douloureuse. Mais elle était aussi nécessaire. Je ne pouvais approuver aucun des futurs auxquels je l'avais apparemment condamnée.
Je ne suis pas entièrement sûre de Jasper, Edward, continua Alice. Si tu pars, s’il considère toujours qu'elle est un danger pour nous tous…
- Je ne vois rien de tout cela, la contredis-je, toujours à moitié conscient du public qui nous écoutait. Jasper vacillait. Il ne ferait rien qui puisse faire du mal à Alice. Pas pour le moment. Mais plus tard… Tu risquerais sa vie, tu la laisserais sans défense ? - Pourquoi est-ce que tu me fais ça ? grognai-je. Ma tête tomba dans mes mains. Je n'étais pas le protecteur de Bella. Je ne pouvais pas l'être. Les deux futurs possibles d'Alice n'en étaient-ils pas la preuve ?
Je l'aime, moi aussi. Ou plutôt, je l'aimerai. Ce n'est pas la même chose, mais j'ai envie de l'avoir près de moi pour cette raison.
- … l'aime aussi ? chuchotai-je, incrédule. Elle soupira. Tu es vraiment aveugle, Edward. Tu ne vois pas vers quoi tu vas ? Tu ne vois pas où tu es ? C'est inévitable, plus que le soleil se levant à l'est. Regarde ce que je vois…
Je secouai la tête, horrifié. - Non. J'essayai de repousser les visions qu'elle m'envoyait. - Je ne suis pas obligé de suivre cette voie. Je vais partir. Je changerai ce futur. -Tu peux essayer, dit-elle d'une voix sceptique. - Bon, allez ! beugla Emmett.
- Mais écoute, un peu, siffla Rose à son intention. Alice le voit tomber amoureux d'une humaine ! C'est de l'Edward tout craché ! Elle eut comme un haut-le-cœur. Je l'entendis à peine. - Quoi ? dit Emmett, en sursautant. Puis son rire grondant se répercuta dans toute la pièce. - C'est ça qu'il se passe ? (Il rit une nouvelle fois.) Bonne chance, Edward.
Je sentis sa main sur mon épaule, et la secouai machinalement. Je ne pouvais pas me concentrer sur lui. - Tomber… amoureux d'une humaine ? répéta Esmé d'un ton stupéfait. De la fille qu'il a sauvée ce matin ? Tomber amoureux d'elle ?
- Que vois-tu, Alice ? Exactement, insista Jasper. Elle se tourna vers lui ; je continuai, paralysé, de regarder son visage de profil. - Tout dépend s’il est assez fort ou pas. Soit il la tuera lui-même, (elle se tourna de nouveau vers moi, me foudroyant du regard,) ce qui m'irriterait vraiment, Edward, sans compter ce que cela te ferait à toi, (elle se retourna de nouveau vers Jasper), ou bien elle sera l'une d'entre nous un jour.
Quelqu'un sursauta ; je ne me retournai pas pour voir qui c'était.
- Cela n'arrivera pas ! criai-je de nouveau. Ni l'un ni l'autre !
Alice ne sembla pas m'entendre. - Tout dépend, répéta-t-elle. Il se peut qu'il soit juste assez fort pour ne pas la tuer, mais ce sera vraiment juste. Cela nécessitera un contrôle de soi impressionnant, songea-t-elle. Plus important encore que celui de Carlisle. Il se peut qu'il soit juste assez fort… La seule chose qu'il ne soit pas capable de faire, c'est de s'empêcher de s'approcher d'elle. C'est une cause perdue. Je n'arrivais plus à recouvrer la parole. Personne d'autre non plus, à ce qu'il semblait. La salle était complètement silencieuse. Je fixai Alice, et tous les autres me fixaient. Je voyais ma propre expression, horrifiée, sous cinq points de vue différents.
Après un long moment, Carlisle soupira. - Eh bien, cela… complique les choses. - Plutôt, oui ! acquiesça Emmett. Sa voix était encore proche du rire. Faites confiance à Emmett pour trouver matière à rire dans la destruction de ma vie.
- Je suppose que les plans n'ont pas changé, cependant, dit Carlisle pensivement. Nous resterons et ferons attention. Évidemment, personne ne cherchera à… faire de mal à la fille.
Je me raidis. - Non, dit Jasper calmement. Je peux me plier à cela. Si Alice ne voit que deux possibilités…
- Non ! Ma voix n'était pas un hurlement, ni un grognement menaçant ou un cri de désespoir, mais une sorte de combinaison des trois. - Non !
Je devais partir, pour m'éloigner du bruit de leurs pensées – la suffisance de Rosalie, l'humour d'Emmett, la patience sans limite de Carlisle…
Pire : l'assurance d'Alice. La confiance de Jasper dans cette assurance.
Pire que tout : la… joie d'Esmée.
Je sortis furieusement mais dignement de la salle. Esmé me toucha le bras en passant, mais je ne répondis pas à son geste.
Je courais avant d'être sorti de la maison. Je passai la rivière en un bond fluide, et courus vers la forêt. La pluie était de retour, tombant si drue que je fus trempé en quelques instants. J'aimais la grande barrière de pluie – elle bâtissait un mur entre moi et le reste du monde. Elle m'enfermait, me permettait d'être seul.
Je courus vers l'est, par-dessus et au-delà des montagnes sans ralentir ma course, jusqu'à ce que je voie les lumières de Seattle de l'autre côté du bruit. Je m'arrêtai avant de toucher les frontières de la civilisation humaine. Enfermé dans un manteau de pluie, complètement seul, je m'obligeai enfin à regarder en face ce que j'avais fait – de quelle façon j'avais mutilé le futur. Premièrement, la vision d'Alice et de la fille se tenant les épaules l'une de l'autre – la confiance et l'amitié étaient criantes sur cette image. Les grands yeux chocolat de Bella n'étaient pas perplexes, mais tout aussi secrets – à ce moment-là, il me semblait que c'étaient des secrets heureux. Elle ne tressaillait pas au toucher froid du bras d'Alice. Qu'est-ce que cela signifiait ? Combien en savait-elle ? Dans ce futur où elle vivait encore, que pensait-elle de moi ?
Ensuite l'autre image, tellement semblable, mais maintenant remplie d'horreur. Alice et Bella, se donnant toujours l'accolade dans une amitié confiante. Sauf que maintenant il n'y avait aucune différence entre ces bras – ils étaient blancs, lisses comme du marbre, durs comme de l'acier. Les grands yeux de Bella n'avaient plus la couleur du chocolat. Ses iris étaient d'un cramoisi vif et choquant. Je n'arrivai pas à décrypter les secrets dans ces yeux-là – acceptation ou désolation ? Impossible à dire. Son visage était froid et immortel.
Je frissonnai. Je ne pus réprimer les questions, similaires, mais différentes : qu'est-ce que cela voulait dire – comment en était-on arrivé là ? Et que pensait-elle de moi à présent ?
Je pouvais répondre à la dernière. Si je l'avais forcée dans cette vie qui n'en était pas une, vide, par faiblesse et égoïsme, elle ne pouvait que me détester. Mais il restait une image horrifiante – pire qu'aucune image que ma tête ait jamais contenue.
Mes propres yeux, d'un cramoisi profond à cause du sang humain, les yeux d'un assassin. Le corps brisé de Bella dans mes bras, blanc cendré, vidé, sans vie. C'était si concret, si clair.
Je ne pouvais pas supporter cette vue. J'essayai de la bannir de mon esprit, essayai de voir quelque chose d'autre, n'importe quoi d'autre. Essayai de revoir l'expression de son visage si vivant qui avait obstrué ma vue pendant la dernière période de mon existence. Inutilement.
La vision lugubre d'Alice me remplissait la tête, et je me tordais mentalement de douleur à l'agonie qu'elle causait. Pendant ce temps, le monstre en moi ne contenait pas sa joie, jubilant de la probabilité de son succès. Ça me rendait malade.
Cela ne devait pas être permis. Il devait y avoir une façon de contourner le futur. Je ne laisserais pas les visions d'Alice me diriger. Je pouvais choisir une autre voie. Il y avait toujours un choix.
Il devait y en avoir un. | |
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